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Les
pétales qui enveloppent le corps d’Angela Hayes, Lester Burnam qui se
masturbe sous la douche, un sachet qui danse avec le vent... Un quadragénaire
qui décide de ne plus subir sa vie, une femme qui se raccroche à son métier
pour masquer l’inanité de sa vie de couple, une adolescente triste qui espère...
Une pulsion sexuelle envers la copine de sa fille, une occasion de tromper son
mari, un voisin vidéaste au comportement étrange... Toute la beauté est là.
Après
une vingtaine d’années passées à être un raté, l’accumulation des
frustrations sociales, morales et sexuelles crée un trop-plein dans
l’existence de Lester Burnham, et sa réaction va radicalement changer sa vie
et celles de ses proches.
Le
scénario d’Alan Ball est d’une densité et d’une subtilité
extraordinaires, et la mise en scène de Sam Mendes achève de faire de ce film
une œuvre d’une incroyable beauté. Les personnages possèdent une profondeur
aussi riche que surprenante pour une production hollywoodienne, et sont les
protagonistes d’une vision tragiquement belle de l’existence humaine. Car si
Alan Ball raconte tout d’abord l’histoire d’un homme qui refuse de
continuer à être une marionnette, ce n’est que pour mieux dériver vers des
considérations bien plus vastes. Les différents récits qui évoluent simultanément
sont autant de petites histoires qui forment des scènes de la grande Histoire.
La force du scénariste et du réalisateur est de présenter des faits ancrés
dans la réalité banale, et d’en retirer des images et des émotions qui
transcendent cette réalité, plaçant ainsi le film dans une dimension métaphysique
et poétique. American Beauty est une
singularité, l’ensemble des facteurs qui le composent (scénario, réalisation,
interprétation) répondant à un degré de profondeur et d’émotions
exceptionnels ; quand tous les éléments s’unissent en un accord parfait, la
magie naît.
Et
sans avoir l’air d’y toucher, American
Beauty développe des thèmes qui font du film quelque chose de complètement
différent d’une étude du milieu bourgeois américain. Il parle de la Vérité
et du sens de la vie avec une rare acuité, et suit les efforts des personnages
qui refusent la banalité du monde pour se plonger dans la quête de l’absolu,
à la recherche d’une des plus grandes émotions humaines, le bonheur triste.
Bonheur car il réjouit, triste parce qu’il est
éphémère.
Le
seul problème avec ce film, c’est qu’il est difficile d’expliquer
rationnellement pourquoi il est aussi excellent. La beauté des cadrages et de
la lumière, les prestations très réussies des acteurs sont une partie de
l’explication ; mais le principal est cette essence indescriptible qui embaume
l’atmosphère et qui intensifie l’émotion, faisant d’American
Beauty un film d’une beauté sans égale. Pour peu que l’on saisisse
pleinement ce que ressentent Lester Burnham et les
autres
personnages, et que l’on soit proche de leur état d’esprit, American
Beauty se révèle être une pure merveille .
Didier Tasinato
d_tasinato@hotmail.com