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D’après
la biographie de Milos Forman, Andy Kaufman devait être un phénomène
comportemental, un homme qui possédait une perception unique du monde qui
l’entourait : tout, absolument tout, était prétexte à faire des
canulars. Andy Kaufman, personnage hors-norme qui connut son heure de gloire
dans les années 70, époque où il apparaissait entre autres au Saturday
Night Live, est probablement l’un des plus grands performers qui ait été,
et cela parce qu’il ne se posait aucune limite. Man
on the Moon retrace donc son existence, du gamin qui jouait avec pour seuls
spectateurs les murs de sa chambre au mourant détruit par un cancer du poumon,
en passant par des étapes cruciales : sa découverte par l’agent George
Shapiro, sa prestation dans la sitcom Taxi,
les frasques de son alter-ego Tony Clifton, ses combats de catch contre des
femmes...
En
choisissant de porter à l’écran cette vie incroyable, Milos Forman ne peut
qu’offrir un best-of des performances de Kaufman, et ne peut que tenter de
recréer un phénomène unique. Ce qui représente un pari risqué. Mais le film
fonctionne, et ce grâce à la verve et à la personnalité de Jim Carrey, qui
d’après certaines sources aurait été possédé par Kaufman durant tout le
tournage. Mais même si Carrey joue bien, il y a un effet de relativisation qui
se crée : plus les canulars que joue Carrey sont gros, plus on aimerait
voir la réalité, lorsque Kaufman agissait lui-même. Jim Carrey à beau faire
une prestation remarquable dans ce film, il n’est tout simplement pas Andy
Kaufman. Et Man on the Moon est sans
aucun doute un bon film, mais le fait de recréer la vraie vie de ce type dingue
et peut-être génial par le biais du cinéma crée une distance. L’impression
qui se dégage du film n’est probablement pas la même que celle que
ressentaient les spectateurs de l’époque, qui assistaient réellement aux
shows de Kaufman. La réussite de Man on
the Moon est donc de faire découvrir à ceux qui ne le connaissaient pas un
« artiste » inclassable. Man
on the Moon est un condensé représentatif de l’œuvre de Kaufman, mais
la personnalité même du personnage interdit toute tentative d’introspection,
d’explication précise du fonctionnement de son esprit, ce qui laisse le
spectateur dans le doute : était-il entièrement conscient de ce qu’il
faisait ? Pourquoi des shows aussi absurdes ? Etait-il schizophrène ?
Forman
ne répond pas, mais donne néanmoins des pistes dans une conclusion sous forme
de douche écossaise : après avoir bien rigolé devant les prestations de
Kaufman, virage à 180 degrés : le cancer de Kaufman. Et c’est là que
le film est le plus intéressant : Forman nous met face à la mort, d’une
manière très refroidissante. Et toutes les pitreries de cet homme ahurissant
trouvent peut-être une explication dans une seule idée : et si Andy
Kaufman avait tout simplement voulu exister ?
Didier Tasinato
d_tasinato@hotmail.com